RÉSUMÉ : Le miracle
technique de la voix et de la musique enregistrées pour être écoutées dans
le cadre domestique, se répandit plus tôt qu’on ne l’a admis jusqu’ici.
Produits par dizaines de millions en France avant 1914, les
enregistrements phonographiques sur cylindres et disques révèlent
aujourd'hui qu’une puissante industrie s’épanouit dès l’aube du XXe siècle
en France pour conduire, bien avant la radio, à une forme de banalisation
de la musique.
Ces phonogrammes sont désormais numérisés, accessibles et audibles en
grand nombre. Avec d'autres sources naguère difficiles à exploiter, ils
révèlent la richesse du répertoire enregistré et nous restituent une image
sonore altérée mais suffisamment fidèle, de la plupart des genres musicaux
alors à la mode, notamment les genres vocaux, alors les plus goûtés.
L'audition commentée des contenus enregistrés ouvre de nombreuses portes
pour conter l'histoire politique et sociale de leur temps. Cet ouvrage
traite par ailleurs des circonstances de la première application du droit
d'auteur au disque, ainsi que de l'identité, voire l'authenticité des
personnes enregistrés, liées aux contraintes techniques de la fabrication
et de la reproduction des enregistrements. Sont également prises en
considération la réception du phonographe dans divers milieux, ainsi que
les pratiques des premiers acteurs de ce marché : artistes qui confièrent
leur voix au phonographe, producteurs, auditeurs et autres usagers.
Autre résumé :
Le miracle technique de la voix et de la musique enregistrées pour
l'audition dans le cadre domestique, se répandit plus tôt qu’on ne l’a
admis jusqu’ici. Les enregistrements phonographiques sur cylindres et
disques révèlent aujourd'hui qu’une puissante industrie s’épanouit dès
l’aube du XXe siècle en France pour conduire, bien avant la radio, à une
nouvelle forme de vulgarisation musicale.
De quelle manière cette industrie s'est-elle imposée ? En quoi
consiste le lien entre les moyens employés pour la production en série, et
la qualité des artistes retenus pour l'enregistrement de studio ?
Quelle est la corrélation, entre le répertoire du spectacle parisien
vivant, et le répertoire enregistré ? Les cylindres et les disques
ont été produits à plus de 100 millions d'unités entre 1900 et 1914, pour
le seul marché interne hors colonies. Comment l'existence d'une production
si massive a-t-elle pu si longtemps échapper à l'historiographie ?
Devant le manque d'archives écrites, il aura fallu, pour répondre à de
telles questions, la conjugaison de plusieurs facteurs parmi lesquels on
retiendra : l'accès, naguère difficile à obtenir, aux archives de
sociétés phonographiques privées ; l'identification de travaux
discographiques portant sur la période, peu connus ; la collecte de
documents non soumis au dépôt légal, qui ont échappé aux circuits
traditionnels de conservation. Ceci comprend les catalogues commerciaux,
mais aussi et surtout la recherche des disques et cylindres de la Belle
Époque. Cette quête archéologique singulière s'appuie sur la création de
deux outils pour le traitement des objets sonores anciens, repérés en
grand nombre dans des collections françaises, publiques et privées. Ces
outils sont l'Archéophone, pour la lecture et la numérisation des
cylindres, et la Phonobase, qui permet l'audition libre en ligne de
disques et cylindres, ainsi que l'examen quantitatif et qualitatif de ces
enregistrements.
Ces fragiles phonogrammes révèlent la richesse des premiers répertoires
enregistrés ; ils restituent une image sonore altérée mais
suffisamment fidèle de la plupart des styles musicaux alors à la mode. Les
pièces chantées sont alors les plus goûtées, sur les planches comme au
phonographe, et parmi les contenus enregistrés, les genres musicaux les
moins académiques (café-concert) sont les plus représentés, interprétés
par des artistes très nombreux. Bien loin des figures légendaires de Melba
ou Caruso, ces intervenants qui confièrent leur voix au phonographe ont
constitué ensemble l'immense majorité de la production phonographique
française à la Belle Époque.
Leurs chansons, qui racontent l'histoire politique et sociale de leur
temps ; les méthodes de vente proposées par les producteurs :
vente en lots, par correspondance, à crédit ; les pratiques des
auditeurs, que l'on peut déceler sur les objets eux-mêmes : tout tend
à prouver que le phonographe à domicile n'est pas alors réservé à une
élite, mais qu'il est bien au contraire un loisir populaire, ou pour le
moins destiné à une bourgeoisie modeste.
TABLE DES
MATIÈRES
INTRODUCTION 11
1. Objets au purgatoire
16
2. Dans le sillage des inventeurs 18
3. De nombreuses questions 19
4. Cadre de cet exposé 23
PRÉSENTATION DES SOURCES 29
1. Les cylindres et les
disques 31
1.1. Cristaux, moisissures et
microscope 32
1.2. Sur la lecture et la restauration des cylindres
36
1.3. Indexation et numérisation des disques et
cylindres 38
2. Archives orales et rééditions
sonores 43
3. Le papier 44
2.1. Sources d'archives
44
2.2. Catalogues et autres ouvrages non déposés 46
2.3. Périodiques 48
2.4. Les monographies sur le son enregistré 50
2.5. Sources et historiographie anglo-saxonnes 55
2.6. La discographie 61
I - DE LA SCÈNE AUX SILLONS 67
1. Salles et spectacles en
1900 72
1.1. De nombreux fauteuils à
Paris 72
1.2. Des représentations quotidiennes en grand nombre
74
1.3. Géographie des artistes et des marchands de
musique 77
1.4. Les meilleurs classements au phonographe 80
2. Tour d'horizon des genres lyriques de
la Belle-Époque 84
2.1. Opéra 84
2.2. Opéra-comique 85
2.3. Opérette 87
2.4. Opéra bouffe 88
2.5. Mélodie de concert 90
3. Orchestres seuls et soli
instrumentaux 94
3.1. Musique d'orchestre, musique de
chambre 94
3.2. L'orchestre de la Garde républicaine 97
4. Le café-concert 98
4.1. Regard sur le
quotidien 100
4.1.1. Comique troupier
101
4.1.2. Grivoiserie 102
4.1.3. La femme 105
4.1.4. La santé 110
4.1.5. Les nouveautés modernes 112
4.2. Regard sur la France et
l'étranger 113
4.2.1. Anticléricalisme
113
4.2.2. Le système politique 118
4.2.3. Les nations étrangères 120
4.2.4. Ostracismes 123
4.3. La chanson
contestataire 126
4.3.1. Héroïsme et
bravoure 126
4.3.2. La condition ouvrière 128
4.4. Un répertoire musical
inédit 131
4.4.1. Monologues avec citations de
titres d'œuvres du répertoire 133
4.4.2. Monologues avec citations de phrases musicales
136
4.4.3. Monologues ou chansons avec citations sur des airs
connus 138
5. Les tout premiers répertoires
enregistrés 139
5.1. Le cas d'Émile
Berliner 139
5.2. Premiers répertoires diffusés 141
6. Le droit appliqué au répertoire
enregistré 144
6.1. Naissance du droit
d'auteur 145
6.2. Le droit d'auteur appliqué au phonographe 149
6.3. La première crise de l'industrie phonographique
française 157
6.4. La mise en place de l'outil de perception des
droits 164
II - PRODUCTIONS ET REPRODUCTIONS 169
1. La production à
l'unité 175
1.1. Contraintes, écueils à la prise de
sons 175
1.1.1. Limites temporelles et découpes
sauvages 175
1.1.2. Conditions d'enregistrement difficiles 179
1.1.3. Erreurs et omissions néanmoins publiées 189
1.2. L'engagement des
artistes 193
1.2.1. Le recours aux artistes
anonymes 193
1.2.2. L'enregistrement comme tremplin vers la
notoriété 196
1.2.3. L'arrivée au studio des artistes réputés 200
1.3. L'impossible reproductibilité chez
Henri Lioret 204
1.3.1. Le brevet de Lioret sur la
duplication 205
1.3.2. Un exemple : les cylindres d'Eugénie
Buffet 208
1.3.3. Des cylindres uniques 213
2. La production en série chez Pathé et
ses concurrents 215
2.1. La copie
pantographique 218
2.1.1. Un drôle de poisson
d'Espagne 218
2.1.2. Les défauts sonores du pantographe et leur
contrôle 225
2.1.3. L'usage des annonces parlées 229
2.2. Reproduction des cylindres par
moulage et galvanoplastie 232
2.2.1. Insuccès d'Edison en
France 233
2.2.2. Le moulage chez Pathé 238
2.3. Le passage au disque chez
Pathé 245
2.3.1. Pathé se
singularise 245
2.3.2. Circulation et vente des disques 248
2.3.3. L'exportation des disques Pathé 252
III - L'ACCUEIL FAIT À LA MACHINE PARLANTE 259
1. Une nouveauté décriée dans le milieu
intellectuel 262
1.1. Une vision d'avant-garde
pessimiste 262
1.2. Une invention bruyante et inutile 267
2. L'ambition déçue du disque
parlé 274
2.1. Célèbres discours d'actualité
enregistrés par des comédiens 274
2.2. La première illustre et authentique voix publiée
278
2.3. Autres discours authentiques plus tardifs 281
2.4. Le théâtre invisible 283
2.5. Reconstitutions ou morceaux descriptifs 284
3. Échecs commerciaux et applications peu
suivies 288
3.1. Le disque-prime 288
3.2. L'aventure du Pathé-Théâtre 289
3.3. Enregistrements pour l'éducation et la recherche
291
3.4. Enregistrements d'amateurs 302
3.4.1. Portraits de
famille 303
3.4.2. Choses inavouables et autres confidences 309
3.4.3. Tranches de vie et contenus pour l'édification
310
4. Les usages auprès du grand
public 311
4.1. Pratiques d'achat
312
4.2. Le rituel de l'écoute 317
4.3. Vers la discophilie 320
4.4. Primauté de l'image sur le son 323
CONCLUSION 331
BIBLIOGRAPHIE 341
1. Sources primaires 343
1.1 Sources matérielles
343
1.2 Sources d'archives 343
1.3. Autres sources primaires 346
2. Sources secondaires
358
2.1 Vidéos 358
2.1 Archives orales et rééditions de documents sonores
358
2.2. Notes personnelles d'entretiens 361
2.3. Mémoires d'artistes 361
2.4. Discographies 361
2.5. Monographies et articles sur l'histoire du son
enregistré 362
2.6. Autres ouvrages 367
2.8. Sites web 374
ANNEXES 377
1. Ode au Gramophone 379
2. Le Barbier de Séville 381
3. Un monsieur bien informé et Récit fantastique 385
4. Art culinaire 393
5. Le muet mélomane 397
6. Liste des distributeurs et détaillants 401
7. Formats de cylindres 407